Tout d'abord, il faut parler de l'intrigue, somme toute limitée.

Suite à une erreur de jugement, le Hollandais a passé un pacte avec le Diable pour se sortir d'un mauvais pas. Depuis, lui, son bateau et l'équipage errent sur les mers, ne touchant terre qu'une fois tous les sept ans à la recherche d'une femme qui restera fidèle au Hollandais pendant les sept années à venir. À cette condition, la malédiction sera levée et le Hollandais, son équipage et le bateau pourront trouver le repos. Le Hollandais rencontre, lors du toucher-terre multi-annuel, un capitaine de vaisseau (Daland) qui a une fille (Senta), et le premier demande au second de lui fourguer la troisième moyennant moult richesses (premier acte). Senta, nous le saurons un peu après (second acte), est fiancée à un chasseur (Érik) mais fondue du portrait du Hollandais, qu'elle se voit bien délivrer de ses tourments. Elle flashe méchamment sur le Hollandais qui arrive avec Daland, accepte de l'épouser et lui jure éternelle fidélité. Tout est bien qui pourrait pas trop mal finir, sauf que (troisième acte) Érik fait une crise de jalousie, le Hollandais survient à ce moment et croit que Senta lui est infidèle, il reprend la mer, Senta veut le rejoindre en brasse coulée mais rate la brasse, son sacrifice montre au Hollandais qu'elle lui était fidèle, la malédiction est brisée, les principaux personnages sont morts, c'est fini.

Un peu plus de trois heures avec ça.

Nous passerons pudiquement sous silence le fait qu'un homme fait une grosse connerie et qu'il incombe à une femme de se sacrifier pour réparer le merdier, ou que le père vend sa fille à un inconnu plein aux as parce que non vraiment, une telle occasion, faut pas la rater (dans le second acte, Daland demande quand même à Senta si elle est d'accord, mais toujours sous l'angle « tu te rends compte de la montagne de pognon que ça va faire ? »). Bref.

Ensuite, parlons de la musique. C'est du Wagner, que je connais très peu au-delà de l'apocalyptique Chevauchée des Walkyries et peut-être quelques autres bricoles. Qu'en dire ? C'est... puissant. Je ne vois pas d'autre terme qui s'appliquerait. Ce n'est pas déplaisant, mais on en prend plein les esgourdes. Un peu comme la sculpture sur bois à la tronçonneuse : quand l'instrument est bien manié, le résultat est intéressant, mais manque de subtilité et de détails par rapport à un Michel Ange.

Pour éviter toute erreur d'interprétation de ma précédente phrase : l'orchestre du Capitole, les interprètes (Aleksei Isaev : le Hollandais ; Ingela Brimberg : Senta ; Jean Teitgen : Daland ; Airam Hernandez : Érik ; Valentin Thill : pilote de Daland ; Eugénie Joneau : Mary) et les chœurs ont été aussi bons que l'on pouvait s'y attendre, c'est-à-dire très bons.

Mais je veux surtout parler des décors (Antoine Fontaine) et de la mise en scène (Michel Fau). Parce que c'est ce qui, pour moi en tout cas, a transformé trois heures de zim-boum-vlam en petites pétites d'émervellement visuel.

Les décors sont, peu ou prou, des tableaux dans le style du 19ème le plus classique qui soit. L'affiche reprend un tableau d'Aivazovsky, et c'est une très bonne illustration du style des décors.

Tempête en mer du Nord, 1865 ; musée Aivazovsky, Féodosia, Ukraine

Pour le premier acte, nous avons la grève de la crique où le bateau de Daland s'est réfugié, et le château avant du bateau. En fond apparaîtra un peu plus tard le vaisseau du Hollandais, sortant de la mer. La transition (sans tomber de rideau) du premier au second acte se fait par le retrait de l'étrave du bateau de Daland et la descente d'un gigantesque cadre (qui fait toute la largeur et hauteur de la scène). Le bateau du Hollandais ne bouge pas, et devient le tableau devant lequel Senta se pâme. Je soulignerai que les interprètes et le chœur n'ont guère plus d'un mètre et demi de profondeur de scène pour évoluer, ce qui oblige les groupes à se mettre en rangs d'oignons.

Décor du premier acte. Photo (c) Mirco Magliocca Décor du second acte. Photo (c) Mirco Magliocca

Pour le troisième acte, le cadre se brise sur les côtés, la partie supérieure monte d'un ou deux mètres, ce qui permet à Senta de le traverser pour se jeter à l'eau afin de retrouver son Hollandais.

Beau, plutôt simple, très efficace. Le jeu de lumières (Joël Fabing), qui accentue les ombres et tout particulièrement celles de l'étrange personnage qui joue le Diable (le personnage en rouge (Benjamin Kahan) que l'on voit sur le bateau dans la photo du second acte) participe à l'efficacité de l'ensemble. On devine parfois ce personnage plus qu'on ne le voit, parce qu'il est juste un peu plus sombre que le reste...

Donc, en résumé et pour reprendre mon introduction : un bon moment, malgré Wagner.