A chacun ses madeleines. Pour certains, dont Proust, elles sont gastronomiques. Sans nier que certains goûts me rappellent de vieux souvenirs d'enfance et d'insouciance, mes madeleines à moi sont olfactives et, surtout, auditives. J'ai beaucoup de mal, par exemple, à écouter Peer Gynt en essayant de faire autre chose. C'est impossible, il faut que je me pose et que j'écoute, avec de profondes délices et tout autant de frissons qui, s'ils n'ont rien de sexuel, n'en sont pas moins violemment sensuels. Rhâââ, Dans l'antre du Roi de la Montagne. Re-rhâââ, La mort d'Aase.

Je suis en train d'écouter une pièce qui a largement dépassé le statut de célèbre : Pierre et le Loup. Pas dans la version que j'écoutais il y a... 35 ans, probablement dite par Gérard Philippe (je n'ai aucun souvenir du narrateur), mais dans une version dirigée par Tugan Sokhiev (encore lui), Pierre et le Loup et autres pièces russes. J'ai acquis ce disque pour l'offrir à une de mes (nombreuses) nièces dans quelques semaines. Dédicace aidant, puisque l'enveloppe est ouverte, ce serait bien dommage de ne pas en profiter. La musique me fait exactement le même effet que Peer Gynt, ce qui me surprend un peu car je ne me souvenais pas du tout de l'avoir beaucoup écoutée. De toute évidence, elle est restée gravée au recoin de quelques circonvolutions cérébrales.

Nous sommes bien peu de choses, ma bonne dame, que quatre ou cinq notes de musique nous fassent ainsi presque retourner en enfance.